Portrait en agent secret

Le vendredi 13 novembre 2015, dans la journée, en transit ferroviaire entre un petit cours que je donne à l’université et mon atelier où m’attendait un travail urgent l’après-midi, en cette fin de semaine qui m’avait vu également partir 3 jours pour une intervention en archives, je me suis fait la réflexion que nos plannings de conservateurs-restaurateurs étaient tellement complexes, peu prévisibles, et souvent modulables au dernier moment, que notre profession constituerait une parfaite couverture pour des missions secret-défense. Même nos proches n’y verraient que du feu. Imaginez : une profession dont très peu de monde ne connaît la réelle teneur, suffisamment spécialisée pour qu’on ne puisse pas vraiment en parler en détail sans voir rapidement décrocher notre auditoire, des déplacements fréquents et souvent différents, des rendez-vous qui se calent et se décalent à la dernière minute… Sans compter que comme nous travaillons généralement seuls, nous n’avons pas beaucoup de comptes à rendre à qui que ce soit. Les papiers administratifs, les charges d’entreprise, tout ça, j’imagine que cela pourrait être facilement réglé discrètement par les commanditaires des missions que l’on nous confierait… De plus, les émoluments de ces missions seraient certainement assez élevés, et correspondraient donc avec l’idée générale du grand public que notre profession, puisqu’elle touche à un patrimoine souvent prestigieux, est lucrative – alors qu’elle tire plutôt vers le smic pour la plupart d’entre nous.

Je trouvais cette idée assez drôle, je pensais déjà au billet que je pourrais en tirer.

Le soir même, il y a eu les attentats à Paris.

S’en sont suivi l’état d’urgence, puis les fichages et les assignations à résidence de personnes considérées comme suspectes, qui sont parfois de simples militants écologistes. Et là je me suis dit que finalement, en rajoutant au tableau le contenu de nos bagages : scalpels, solvants, masques respiratoires… si les services de renseignement examinaient nos activités, ils risqueraient plus de nous signaler comme potentiellement dangereux que de nous proposer un super job d’agent secret…

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