La figure du restaurateur dans la fiction (1)

Le restaurateur étant un professionnel mal connu, il est intéressant de voir comment les auteurs abordent cette figure. Je m’amuse régulièrement à relever ses évocations dans les livres et les films et me propose de vous en faire part régulièrement. Aujourd’hui, un restaurateur de peintures italien dans un polar américain : La fille aux yeux de Botticelli d’Herbert Lieberman (1995).

Le sujet : A Istanbul, un Botticelli est lacéré. A Rome, des toiles de maîtres sont mutilées, dont celles de cet artiste, et des femmes sont retrouvées mortes, énuclées. Quelqu'un, c'est clair, refuse que la plus grande rétrospective Botticelli de tous les temps se tienne aux USA…

Ce polar n’est pas le plus palpitant que j’aie lu, mais il a un intérêt, celui d’évoquer les coulisses de la préparation d’une exposition internationale : vente aux enchères, identification, montage d’exposition, mécénat, communication… et restauration. Le problème, c’est que manifestement l’auteur ne s’est pas penché en profondeur sur ce domaine, et que l’on relève surtout les clichés sur la figure du restaurateur !

Celui-ci est un génie, une sorte de sorcier même, qui dirige d’une main de fer un service imposant : « Torelli […] avait la réputation d’accomplir des miracles, et l’on prononçait son nom avec une sorte de respect mêlé de crainte. Il dirigeait son atelier des environs de Florence de la même façon que les grands centres hospitaliers urbains dirigeaient leurs services d’urgence. »

Son chef d’atelier est un artisan un peu rustre : « [Le conservateur] glissa sa carte de visite personnelle dans la grosse main maculée de peinture de Panuzzi. »

Comme il est très bon, il fait payer très cher et rend toujours son travail en retard : « Mais vous le savez aussi bien que moi, […] les restaurateurs sont des menteurs pathologiques. […] Chez eux, le retard est une question de principe. »

Il est entouré de jeunes assistants indisciplinés mais très doués, qui travaillent en fumant en pleine poussière : « […] Ils firent la visite [de l’atelier de restauration], une succession d’ateliers communiquant les uns avec les autres et où divers artisans sculptaient des statues à coups de ciseaux, étalaient des enduits et repeignaient des toiles élimées à petits coups de pinceau. Une douzaine de jeunes gens vêtus de tabliers en toile et de jeans maculés de poussière de plâtre s’interpellait d’un bout à l’autre de l’atelier. On fumait cigarette sur cigarette, vidait des gobelets de café ou d’eau pétillante, riait à gorge déployée par-dessus le vacarme des coups de marteau ou de ciseaux et échangeait parfois quelques insultes bon enfant sans interrompre jamais son travail. Aux yeux de Manship [le conservateur], ils avaient tout d’une bande de jeunes gens inexpérimentés, puérils et indifférents à la rigueur qu’exigeait leur tâche minutieuse. Mais après avoir rapidement examiné leur travail, force lui fut de reconnaître qu’il avait affaire à de véritables artistes, à des maîtres en la matière. »

Mais le mieux quand même, c’est que les interventions sont faites à la vitesse de la lumière et surtout, elles sont in-vi-sibles : « Bon sang ! s’écria-t-il. Impossible de repérer la moindre couture, la moindre retouche, sur cette Transfiguration… comme si elle n’avait jamais été restaurée ! – Et pourtant, elle était en lambeaux quinze jours plus tôt. »

On pourrait tirer de ces extraits un petit exercice amusant, comme dans les livres de jeux pour enfants : relever tout ce qui ne correspond pas à la réalité ! Réponses dans un prochain billet.

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